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Agroécologie GIEE : sortir du flou

Lancés fin 2014, les GIEE, groupements d'intérêt économique et environnemental, se développent et la distribution agricole, particulièrement les coopératives, se positionne pour les accompagner. Mais pour quoi et comment s'impliquer sur ce sujet, qui reste nébuleux pour beaucoup ?

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Avec près de 40 % des agriculteurs qui déclarent n'avoir pas entendu parler des GIEE, les groupements d'intérêt économique et environnemental, alors même que ce sont les principaux intéressés, il est clair que le sujet mérite des précisions. Alors un GIEE, mesure phare de la loi d'avenir agricole, qu'est-ce que c'est ? Comme l'explique le ministère de l'Agriculture, « il s'agit de projets portés par des collectifs d'agriculteurs, impliquant le cas échéant des acteurs non agriculteurs, qui développent ou consolident des pratiques allant dans le sens de la transition agroécologique : économie et autonomie vis-à-vis des intrants, développement de la culture de légumineuses, accroissement de la biodiversité naturelle (arbres, haies...) et domestique, développement de modes de commercialisation créateurs de forte valeur ajoutée et contribuant à l'emploi en milieu rural... Ces projets visent une performance à la fois environnementale, économique et sociale ». En somme, une sorte de « label ». Renouvelables, leur durée est limitée dans le temps. Ils ne comportent pas d'obligation de résultats, mais de suivi des résultats. Les premiers GIEE ont été reconnus en 2015, et en décembre dernier, près de 220 avaient été labellisés, sur plus de 330 dossiers déposés auprès des régions. Si ce sont les agriculteurs qui sont visés par la démarche, la distribution agricole n'est pas en reste, et coopératives et négoces sont partenaires de projets, voire porteur du GIEE dans certains cas. En pratique, ils peuvent être membre du collectif, en sachant qu'au sein de celui-ci, les agriculteurs doivent être majoritaires.

Un « label » pour être reconnu

Mais en pratique, à quoi ça sert de se faire labelliser GIEE ? Le ministère met en avant « une reconnaissance officielle par l'Etat », ainsi qu'une possible « majoration dans l'attribution des aides ou une attribution préférentielle des aides ». Des financements, oui, mais attention : « Ce n'est pas la principale raison de rentrer dans la démarche, fait part Adrien Boulet, chez Trame. L'intérêt pour les agriculteurs est multiple, mais cela tourne beaucoup autour de l'image et de la reconnaissance. » Outre les financements pour les agriculteurs, des aides pour l'animation et l'accompagnement du GIEE peuvent être demandées. Des guides régionaux vont être élaborés au premier trimestre 2016 pour expliciter les divers financements existants et leurs modalités. Cependant, les agriculteurs sont peu nombreux à y voir un intérêt. Les résultats du sondage mené par ADquation pour Agrodistribution le montrent bien (lire ci-dessus) : parmi les 63 % d'agriculteurs ayant déjà entendu parler des GIEE, 6 % sont déjà impliqués dans un GIEE, et seulement 7 % (soit 5 % sur la base totale des répondants), envisagent d'en constituer un. Quant à l'intérêt de l'outil pour concilier compétitivité et respect de l'environnement, au total près d'un tiers des répondants le juge « pas utile ».

Les chambres plus impliquées

Quoi qu'il en soit, la distribution agricole (6 %) n'est clairement pas identifiée par les agriculteurs comme le partenaire ad hoc pour les accompagner sur cette thématique. Au contraire des chambres, plébiscitées, par 38 % d'entre eux. D'après le ministère, celles-ci sont impliquées dans plus de 60 % des projets pour l'appui technique ou en tant que partenaire. Quant aux Cuma, plus du tiers des projets est soit directement porté par elles, soit accompagné par leur réseau. Les structures porteuses et les partenaires sont très divers : Civam, Geda, Ceta, Gab, collectivités territoriales, établissements publics, instituts techniques, associations environnementales, bureaux d'étude... Et bien sûr, coopératives et négoces. C'est le cas des Ets Pohu, de Qualisol et Val de Gascogne (lire p. 25 à 27). Pourtant, faire labelliser un projet GIEE n'est pas si simple : il faut monter le dossier, ce qui prend du temps, le déposer, et par la suite, il doit encore passer devant la COREAMR. En Bretagne, Triskalia a déposé trois dossiers qui ont été retoqués, notamment pour des « actions proposées pas assez précisées ». Elle en a redéposé deux avec des précisions, qui ont cette fois été acceptés. Pourquoi avoir postulé ? « Les deux groupes de producteurs fonctionnaient déjà comme un GIEE, explique Damien Craheix, chargé de mission agriculture et environnement. C'est une reconnaissance officielle par l'Etat des efforts faits en faveur de l'innovation et de ce que fait Triskalia. Et l'on profite de l'aura des GIEE pour communiquer sur ce que l'on fait. »

Communiquer sur les pratiques

En Picardie, Agora accompagne un GIEE de quinze exploitants au centre du Parc naturel régional Oise-Pays-de-France, en zone de captage. « Plutôt que de signer une MAE contraignante, les agriculteurs ont pensé au GIEE, avec un objectif de réduction des phytos volontaire, relate Laurent Pinsson, chez Agora. Nous accompagnons les agriculteurs et leur amenons des connaissances agronomiques. » Et sans perdre de vue les impératifs de qualité pour commercialiser les productions des adhérents de la coop par la suite. Côté négoces, le Naca (négoce agricole Centre-Atlantique), a organisé mi-décembre une journée pour « démystifier le fonctionnement d'un GIEE », explique Jean-Guy Valette, le directeur. Son bilan : « En échangeant avec les techniciens, on voit qu'ils sont prêts à réfléchir, à coordonner des groupes d'agriculteurs pour monter des GIEE. Mais cela reste une démarche nouvelle, et le montage de dossier n'est pas forcément dans les habitudes. Ce n'est pas le quotidien d'un négociant. » Après la journée, des idées de GIEE ont mûri, ou germé, dans la tête des participants, comme chez Fortet-Dufaud qui envisage de faire reconnaître un groupe de viticulteurs, utilisateur de son outil Optimus, un système poussé de protection du vignoble à la carte.

DOSSIER RÉALISÉ PAR MARION COISNE

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